Il était une fois, entre deux saints, placide comme Michel, mon cœur en balance.
Il est des jours heureux où se mêlent les sens et la raison, à contre et ire ou der, où la honte et le rire font bonne ménagerie. Dans la rame du métro parisien, j’accroche une barre(sic), plongeant mes yeux dans ceux, si bleus, si langoureux, d’une femme enfant. Et je tombe à l’instant, si ce n’est amoureux, tel qu’en pâmoison. Entre deux battements de cœur, et deux clignements d’yeux éblouis, vingt Dieux ébahis, la monde s’est recentré autour d’elle et moi, émoi. Rien n’est plus fort sur terre à ce moment précis que cet échange surréaliste; l’émotion renforcée d’incrédulité, le choc de culture et de génération, l’impromptu de l’espace temps rapporté en un point.
Je la regarde alors de haut en bas, de sa toison dorée à ses orteils finement ciselés, de sa bouche pulpeuse à ses jambes effilées, depuis ses seins avantageux, provocateurs, à ce mini short incendiaire, pernicieux. Ceci confirmant cela, le corps appelle l’esprit qui prendrait bien le tout, sans complexe ni culpabilité, avec force et plénitude entièrement partagée.
Mon regard s’arrête soudain sur le sac de la voisine improbable à la belle, accrochée à notre poteau collectif. La main fine aux doigts de fée de mon improvisée sujette s’y trouve, bien accrochée au portefeuille de cuir rouge qui semble alors brûlant. Sidéré par l’émotion préalable et ce sac à trois mains, j’en oublie la musique et le casque sur mes oreilles, invectivant en contre haute et fort volume: » Madame, êtes vous ensemble avec cette jeune fille? il me semble que sa main s’égare en votre sac! » Elle me regarde éberluée, mon regard passe du sien à celui de Narcisa, inspiration de prénom pour la jonquille égo-centrée qui excite maintenant un instinct de pouvoir mêlé de sentiments peu compatibles! Méchante voleuse et rare beauté fatale? Désirable princesse et détestable Furie!
Tandis que l’inconsciente voyageuse m’adresse en espagnol des mots dont le sens s’échappe, pour le moins à mon entendement, je m’interroge sur le rôle qui m’incombe ici. Narcisa quand à elle, me regarde et bafouille des mots dans un langage imprécis qui se veut étranger, écarquillant ses yeux rares. Magnifique, ingénue impertinente, telle Proserpine séduisant Pluton elle m’envoute d’un sourire, puis sa main sur mon bras et son sein sur ma main, me transporte en un lieu où la gaule n’est pas vaincue mais où le sang afflue.
Son corps s’est approché du mien comme le voilier bien barré vient mourir à quai, attendant d’y être amarré. Je ne sais plus où j’en suis. S’est-il passé ce que je pense avoir vu, c’est confirmé! La main après s’être retiré sous la besace en bandoulière de la belle, est revenue dans le sac de l’insensible ibère, et je semble toujours le seul à y voir à redire. C’est le moment que choisi la seconde intrigante pour m’interpeler. Et c’est alors que je comprends ne pas avoir affaire à une aventure comique. J’ai douté jusqu’alors d’une possible blague entre amies en goguette, mais cette fois je suis pris à partie par une femme plus mure, disons 25 ans, et dont le profil de voleuse à la tire est beaucoup plus crédible. Je n’ai plus pour principe de juger au premier regard, le délit de faciès fait injure à l’humain, mais les origines roumaines de la binôme ne font aucun doute. La réputation de spécialiste de l’arnaque à la tire allant de pair avec ma paire de coquines, je ne me laisserai pas troubler par la demande d’aide pour débloquer un sac pris dans la porte. Elle m’effleure le bras et la jambe mais je lui fais mine de ne pas m’approcher. J’ouvre alors la porte, puis me retire dans l’angle opposé du carré, en faisant comprendre aux actrices que je me désintéresse, du moins pour l’instant, de leur œuvres.
Le train s’arrête à la station Cité (ou Saint-Michel) et je descends à la suite des deux espiègles qui grimpent aussitôt deux à deux les marches de l’escalier enroulé autour d’un ascenseur aux allures de monte-charge. Au demi-pallier elles redescendent sur le quai opposé, et Narcisa jette un œil en l’air vers moi; elle semble ne pas me reconnaitre ou le feint bien, je continue ma filature sans discrétion pour lui dire un dernier mot.
« Tu ne devrai pas faire cela, tu va finir en prison, c’est dommage, tu es bien trop belle pour ce triste destin. » lui dis-je à la fois bienveillant et comme dans une sentence.
» Oh! Ça va maintenant » me répond elle avec un air bien moins séduisant qu’au préalable. Ce fut tout de même un beau voyage, mais un peu court, j’ai du penser un moment la punir d’une caresse, et j’ai tout juste été l’objet d’un vent!
hé !!! quel talent de narrateur, Olivier ….
oh bien sûr, je n’ai pas pris la peine de lire tes oeuvres complètes, juste cette charmante nouvelle. Mais celà suffit à me donner l’envie d’ y revenir: un peu comme un bon single malt de12-15 ans, pour un moment d’égarement !!!
J’aimeJ’aime
Cher François,
C’est étonnant comme ce texte a du succès auprès des jeunes quinqua bien verts!
Directement inspiré d’un épisode réel, juste un peu romancé, et écrit dans un parc tout de suite après être sorti du métro…j’en bande encore!
Humbert Humbert
J’aimeJ’aime