C’était il y a bien longtemps. Je fuyais à grande vitesse sur cette voie étroite entre deux villages, puis deux autres, et ainsi de suite. Les bas côtés n’était pas stabilisés, pas de ligne blanche au milieu, la route comme un ruban couleur charbon, sans borne ni panneau, se faisait le lit d’une avalanche de sentiments désespérants.
Ballotés par le vent sur le flan est de la route, de rouges coquelicots, fragiles pavots provocants, envahissent le fossé jadis entretenu, tandis que sur l’autre partie, à l’ouest, plus proche de la côte, une végétation sombre et humide dissimule l’horizon.
Elle était appuyée sur son aile, manivelle à la main, le regard perdu loin à travers champs. Au passage de la dernière courbe, face au demi soleil levant à l’horizon, comme une ombre chinoise la forme de son corps immobile et sa chevelure flottante, ondulante, apparait irisée de clairs obscurs. Soudain je n’entends plus ni le moteur de la voiture, ni le dérapage des roues sur le bitume altéré. Le freinage est brutal, le crissement aiguë et une odeur de gomme brûlée envahit l’habitacle.
Lorsque j’arrête elle ne dit rien, ne bouge point. Je fais un tour pour constater la raison de cet embarras. La roue avant droite est en lambeaux alors, sans un mot, je me saisis de l’outil tout sauf féminin, vilebrequin laid vulgairement efficace, puis entreprends l’opération. Une nouvelle roue pour aller plus loin?
Enfin, redressé pour rejoindre mon indocile locomoteur, guimbarde déglinguée, clou qui ne vaut plus guère, je me retourne à nouveau pour comprendre que l’illusion est totale. Rien n’attend au bord de la route ni au bout du chemin.
A l’ouest au delà de la lande, l’océan puis les îles,
Where all goes deep down, and the sun, and the heir
Le temps ne s’incline pas devant nous