plus ou moins égal
(…) La détermination de qui dit quoi, elle, lui, n°1, n°x, c’est déjà positionner l’autre et l’un sur un pied d’inégalité. (…)
– Je suis sincèrement heureux de te trouver ici
– oui, pareillement, regarde comme c’est beau, étrange, inattendu
– …
– Comment vas-tu?
– …comment te dire, il y a des jours, j’aimerai ne pas aller, ne pas être…et puis un jour, une heure ou deux c’est à nouveau le feu dans mon cœur, la tête en ébullition, les sens aiguës et j’oublie tout
– oublier quoi?
– la douleur, l’absence de raison au quotidien, pas le mien en particulier, c’est la prison, la dépendance, la comedia del arte qui me déchire du triste au bienheureux, du bien au mal
– ouh là! Tout ça, comme ça… est-ce bien le lieux et le moment de déballer un tel fardeau?
– Tu es mon ami, je ne veux pas te mentir, non plus que t’infliger cela, tu as raison, regardons ces tableaux
~
– magnifique, qu’en penses tu? qu’est-ce que ça exprime pour toi?
– j’adore, tu sais je ne suis pas très connaisseur en matière d’art en général, tout m’intéresse mais je ne suis expert en rien…c’est un peu ça aussi qui pèse au quotidien
– pas moyen de t’évader de toi même aujourd’hui?
– pardonne moi, je vais peut-être te laisser en meilleure compagnie, regarde comme ces gens ont l’air de savoir et d’être…
– non, c’est toi que je veux, je t’aime comme un frère adopté, plus que ma famille, plus fort et plus longtemps que mes amours, autant que mes enfants
– Putain, enfin, merde, je ne sais pas quoi dire, comment peux-tu exprimer ainsi ce que je ne parviens qu’à peine à m’avouer…cet amour sans condition, c’est ce qui nous fait vivre et c’est aussi pour moi une telle frustration quotidienne de ne point arriver à l’exprimer
– peut-être devrai-tu laisser s’exprimer ces sentiments, sinon dans tes relations quotidiennes, dans ton travail, la musique, les mots, la peinture?
– je ne sais pas, je me sens tellement dissocié de cette réalité, peut-être suis-je définitivement bipolaire tendance schizophrène ? (rires)
– un peu oui, c’est ça, qui ne l’est pas?
~
– où suis je quand tu n’es pas là?
– tu es en moi, toujours, comme si mon cœur battait grâce au massage interne de ton amitié totale
– grâce te soit rendue, je sens bien ta main sur mon coeur, à l’intérieur, et je sens la chaleur du tien dans la mienne
– tu vois, nous ne sommes jamais seuls
– pourtant, parfois j’ai peur de mourir
– mais tant que la vie est en nous, la mort est derrière nous, il faut juste marcher un peu plus vite qu’elle, en regardant bien de chaque coté avant de traverser! (rires et accolade)
– vraiment cette expo est superbe, merci de m’y avoir convié, allons boire une bière avant le concert
– ok mon ami, tiens regarde qui arrive, les déesses de l’image et du son!
~
(…) Ce soir là nous avons tant partagé, de simples rires, des émotions profondes transportés par les couleurs, les mélodies, les saveurs de la réalité tangible… et lorsque le temps de se séparer est advenu, c’est un peu comme si le courant nous arrachai à la berge pour nous porter plus loin, vers l’estuaire du fleuve de l’éternité, voués à l’évaporation; doués de la force de s’accrocher un peu plus loin pour remonter sur la rive et vivre un autre de ces milliers de moments intenses qui donnent tout le sens à cette vie.
Cependant que la douche tiède élimine le trop bien et me souvient aux obligations alimentaires, je marcherai heureux ce matin encore en pensant à toi, à vous (…)